Henri Hutin est né le 13 février 1900 à Bovée-sur-Barboure. Il était le onzième d’une famille de treize enfants, dont 7 d’entre eux étaient fromagers : Charles Hutin à Bassuet (Marne), Paul Hutin à Lacrète (Haute-Marne), Jules Hutin à Blaise-sous-Arzillère (Marne), Emma Roustang, née Hutin à Loisey (Meuse), Jeanne Hutin à Châlaine (Meuse), Jean Hutin à Bovée-sur-Barboure (Meuse), et enfin Henri Hutin à Lacroix-sur-Meuse (Meuse). La famille Hutin était une famille d’agriculteurs, qui exploitait la ferme la plus importante du village. L’exploitation tournait bien, et la famille s’agrandissait chaque année.
Malgré l’avis contraire de son époux Louis Auguste Hutin, homme de terre, c’est Madame Caroline Hutin, née Gillard, épouse de Louis Auguste et mère de treize enfants, qui prendra l’initiative de fabriquer du fromage avec le lait de la ferme. Le but étant d’apporter des ressources complémentaires à la famille et donner ainsi une instruction supérieure aux enfants. C’est aussi Madame Caroline Hutin qui allait créer la fromagerie de Bovée-sur-Barboure en 1886, que son fils Jean allait reprendre quelques années plus tard. Signalons aussi que Virginie Gillard, la sœur de Caroline Gillard Hutin avait épousé le 08 janvier 1889, Monsieur Alfred Renard, fromager à Biencourt-sur-Orge, installé depuis 1886, et la fromagerie prendra après cette union le nom de Gillard-Renard.
Dans les années 1920, Joseph Roustang et Raymond Thirion, beaux-frères de Henri Hutin, vont créer une petite fromagerie artisanale, route de Seuzey, à Lacroix-sur-Meuse. Henri Hutin quitte la maison familiale pour suivre des études chez les jésuites à Florène, en Belgique. Engagé volontaire en 1918, au cours de la première Guerre Mondiale, il combat en Pologne dans l’armée Wrangel, sous les ordres du capitaine De Gaulle, qui est l’aide de camp du général Hutin (Oncle de Henri Hutin). En 1922, de retour en France, et rendu à la vie civile, Henri reprend la fromagerie de Lacroix-sur-Meuse à ses deux beaux-frères. C’est alors que Joseph Roustang va s’installer à Loisey, et Raymond Thirion déménagera à Châlaine (Meuse).
En 1923, Henri Hutin décide de faire construire une nouvelle fromagerie en bois, rue du Château, à Lacroix-sur-Meuse. En janvier 1924, Madeleine Gaboury, originaire de Nancy, fiancée à Henri Hutin, le rejoint à Lacroix, village ruiné par la guerre. Ensemble, ils posent la première pierre de leur future maison, et se marient à Nancy, le 25 février 1924. De cette union, naîtront cinq enfants. La production de brie, Saint-Paulin, et beurre s’intensifie. Grâce à son sens commercial et relationnel, Henri élargit son réseau commercial aux villes de Metz et Nancy. En 1925, il va créer la laiterie de Cléry-le-Petit, qu’il revendra quelques années plus tard à la Société Laitière Maggi [Lire historique de Cléry-le-Petit sur ce site]. En 1936, la fromagerie de Lacroix, construite en bois, est détruite par un incendie. Une nouvelle fromagerie plus moderne est reconstruite avec des bâtiments en dur et une chambre froide. On traite plus de 26000 litres de lait par jour. Cette même année, Henri Hutin va louer la laiterie Foradori à Brulange en Moselle, et créer l’élevage des Terres Rouges à Lacroix, cet élevage de porcs débute avec 25 truies et 500 porcs engraissés.
En 1944, suite au bombardement du 1er septembre, l’usine est reconstruite au même endroit. En 1945, Henri Hutin augmente sa zone de ramassage, des camions Citroën U23 remplacent les chevaux et création d’un atelier garage. En 1951, création d’une succursale à Vigneulles-Lès-Hattonchatel pour la fabrication des pâtes de brie. L’activité de ce site cessera en 1958.
En 1954, la fromagerie de Lacroix devient une société anonyme (S.A.). Henri Hutin en est le le président directeur général. Deux de ses cinq enfants vont le rejoindre dans la société : Jean-Louis Hutin sera responsable du service commercial export et Bertrand Hutin responsable de l’élevage des Terres Rouges. Deux ans plus tard, la fromagerie commence à connaître quelques difficultés. Le professeur Keilling, un conseiller extérieur, propose l’embauche de Jean Rouffet, qui par sa compétence en assurera le redressement. En 1957, Jean-Louis Hutin propose un nouveau fromage mis au point par Heinz Hochleitner : La bûche Lorraine. Exportée en Allemagne, son succès est foudroyant. Sa production représente alors 50 pout cent du tonnage global.
Le 29 juin 1961, au cours d’un voyage en Lorraine, le général De Gaulle, président de la république, s’arrête à Lacroix, il évoque, entre autres des souvenirs de guerre que les deux hommes avaient en commun (Ch.De Gaulle avait été le capitaine d'Henri Hutin durant la première guerre mondiale) (et ceux de la résistance durant la seconde guerre puisque Henri Hutin était compagnon de la libération).
. Le 15 août 1966, la fromagerie est frappée par la perte de la moitié de ses producteurs de lait qui rejoignent l’Union des Coopérateurs Laitiers de la Meuse. En 1967, la production est de 120.000 litres de lait par jour. En 1968, Henri Hutin renforce la structure de sa société, en créant un comité de gestion composé de Jean-Louis Hutin (Directeur général), Hubert Boulanger, (Secrétaire général), Pierre Sandt, (Responsable technique usine), et Jean Patout, un industriel fabricant de boites et caisses de fromages (Conseiller extérieur).
Le 19 septembre 1984, Monsieur Henri Hutin décède. Il aura été Maire de Lacroix pendant cinquante ans de 1927 à 1977.
(Merci à Bernard Wagner auteur de cette biographie)
Petite histoire personnelle : En 1958, mon parrain, Jean-Louis Hutin qui est responsable commercial de la fromagerie m'embraque dans une aventure qui m'a paru extraordinaire. Il avait été très impregné par son séjour au Etats-Unis au préalable, et plus particulièrement par le marketing et la publicité qui sont considérés comme des items majeurs du business outre-Atlantique.
Il décide donc de rajeunir la gamme des produit de la fromagerie et crée un fromage au nom de "Bill" (d'autant plus que les troupes américaines sont encore très présentes sur le sol français, y compris à Verdun tout proche, et qu'elles achétent des produits français dans les commerces).
Alors un matin, il m'embarque dans sa voiture et nous allons chez un photographe professionnel à Verdun.
Il s'est auparavant, muni d'un paquet de biscottes et d'un fromage facile à tartiner (Un "Carré frais" Gervais - Quelle honte) et me fait tenir la pose comme ci-dessus. Puis l'image est travaillée pour devenir l'étiquette que vous découvrez ci-dessous.